Nica Antonis évoque Toma Nikiforov: "Je gagne et je perds avec lui"
- Publié le 02-02-2018 à 11h55
- Mis à jour le 09-03-2018 à 15h06
Nica Antonis a rencontré le Schaerbeekois lors d’un tournoi en 2009, à Zagreb. Schaerbeek. Mercredi 31 janvier. Il est 17 h 30 et l’entraînement bat son plein au Crossing. Sur le tatami, Nica Antonis donne ses directives, dispense ses conseils à une trentaine de jeunes judokas. Kimono blanc, frappé du drapeau noir-jaune-rouge, Nica inspire le respect. Ses élèves savent qu’elle est passée par là, jusqu’à devenir championne de Belgique et disputer des compétitions internationales. Alors, ils l’écoutent avec attention.
Une demi-heure plus tard, la séance se termine. Tous viennent la saluer en lui frappant dans la main ou en lui donnant un bisou avant de rejoindre une douche bien méritée. Dans l’antichambre, entre la salle et les vestiaires, où sont amoncelés un nombre incalculable de sacs de sport, Nica enlève son kimono, le replie minutieusement, puis monte à la cafétéria où elle a un mot pour chacun.
Le temps d’une interview et, déjà, arrivent les élites pour l’entraînement national. Ils sont tous là, y compris un certain Toma Nikiforov, son fiancé. Suivi par une journaliste et un caméraman de la télévision bulgare, celui-ci lui lance sobrement un clin d’œil, puis descend à son tour dans l’arène pour l’un de ses derniers entraînements avant sa rentrée 2018.
Entre Toma et Nica, pas besoin de parole ou de geste démonstratif. Ces deux-là se comprennent sur un simple regard. Il est vrai qu’ils se connaissent déjà depuis longtemps…
"Nous nous sommes rencontrés pour la première fois en 2009, lors d’un tournoi à Zagreb. C’est un ami commun qui nous a présentés dans les gradins. Pour être honnête, je ne m’en souviens pas trop. C’est quand j’ai été transférée au Crossing, en 2012, que nous nous sommes rapprochés. À l’époque, j’avais un petit ami. Toma est donc d’abord devenu mon ami. Ce n’est que quand mon histoire avec ce copain s’est terminée que notre amitié est devenue de l’amour. C’est lui qui a fait le premier pas. Là, je m’en souviens très bien ! J’étais en panne de voiture sur le parking du Colruyt et j’ai appelé Toma. Il a contacté un garagiste et, en attendant la réparation, nous avons passé la journée ensemble. Il m’a, ensuite, véhiculée pendant quelques jours et il s’est déclaré. J’ai hésité à franchir le pas parce que j’avais peur de le perdre en tant qu’ami. Mais voilà, maintenant, j’ai les deux : l’ami et l’amoureux."
Et ils sont heureux. Elle qui a toujours vécu seule et a dû se débrouiller s’est liée à lui, très entouré par sa famille.
"Nous avons emménagé ensemble après les Jeux de Rio. Nous vivons dans notre appartement, au quatrième étage de la maison familiale en face de l’ancien immeuble du Crossing où Toma a vécu son enfance, où il a suivi son père sur le tatami, tout comme Dilyan, son jeune frère. Toma est agréable à vivre. Il est toujours de bonne humeur. Et son sourire me fait craquer. Ma mère l’adore aussi. Bien sûr, il est souvent parti en stage ou en compétition et il me manque, mais je suis aussi très occupée professionnellement. Donc, le temps passe vite."
Le temps passe si vite que Toma a déjà demandé Nica en mariage. C’était le 4 novembre, à Herstal. Sur le tatami, là où ils se sont rencontrés…
"J’étais émue aux larmes"
La demande en mariage de Toma à Nica sur le tatami, le 4 novembre, à Herstal
La demande en mariage de Toma à Nica n’est pas passée inaperçue dans le monde du judo. Et pour cause, puisqu’elle eut lieu sur le tatami, le 4 novembre, à Herstal, à l’issue du National ! Toma préparait son coup depuis quelques mois et n’avait mis qu’une dizaine de personnes, dont ses parents, au courant de son intention afin que le secret soit bien gardé.
Et il le fut !
"Normalement, je sens ça mais, là, je n’ai rien vu venir !" , sourit Nica, encore émue et étonnée aujourd’hui. "Je ne me suis même pas posée de questions en voyant ma mère et mon frère dans les tribunes. Ce n’était pas la première fois qu’ils venaient voir Toma combattre. J’étais donc très loin d’imaginer ce qui se tramait. C’était de la folie !"
Personne dans le public ne s’était offusqué que les organisateurs bouleversent leur programme en plaçant la finale des -100 kg pour clôturer la journée. Mais, une fois son premier titre national seniors en poche, Toma a réservé une sacrée surprise à celle qui partage sa vie. "Quand je l’ai vu revenir sur le tatami, que j’ai entendu la musique, je me suis dit : ‘Mais que se passe-t-il ?’ Puis, j’ai été appelée à le rejoindre et c’est à ce moment qu’il s’est agenouillé pour me demander en mariage. J’étais émue aux larmes."
Un grand et beau moment, non seulement pour Toma et Nica, mais aussi pour tous ceux qui les connaissent. La vidéo de l’événement a été partagée partout dans le monde du judo et aussi jusqu’en Bulgarie, pays d’origine de Toma. Quant à savoir où et quand les jeunes fiancés uniront leurs destinées, il faudra encore un peu attendre…
"Nous avons le temps ! Toma vient d’avoir 25 ans, moi j’en ai 23. Nous ne voulons rien précipiter."
D’autant que, encore marquée par le divorce de ses parents, Nica n’était pas trop favorable au mariage. Mais une demande comme celle-là, ça ne se refuse pas !
"J’ai stoppé ma carrière, mais pas le judo"
Elle lui a posé la question : "Si j’arrête, est-ce que tu m’aimeras toujours ?"
Née le 9 juin 1994, à Turnhout, Nica Antonis a déménagé avec ses parents, son frère et sa sœur à Opwijk alors qu’elle n’avait que cinq ans. Et c’est là qu’elle a découvert le judo.
"J’étais une enfant, disons, turbulente. Alors, quand, à l’école, on a reçu un flyer à propos du club de judo, ma mère m’a dit que c’était exactement ce dont j’avais besoin. J’ai essayé avec une copine et ça m’a plu. Mais, vers l’âge de 11 ans, ma copine a arrêté, j’ai aussi pensé stopper parce que j’étais la seule fille du club. Mais, lors de mon entrée dans le cycle secondaire, j’ai passé un test à la Topsportschool , à Anvers, que j’ai brillamment réussi. J’ai donc, heureusement, continué."
Avec un certain succès puisque Nica fut championne de Belgique cadets en 2010 et, après deux podiums en juniors et deux autres en seniors, elle fut également sacrée en 2013 alors qu’elle s’était déjà affiliée au Crossing Schaerbeek.
"J’ai d’abord évolué en -57 kg, mais je manquais de puissance physique et je suis donc descendue en -52 kg. Mais, l’année suivante, en 2014 donc, je me suis blessée à l’épaule lors d’un combat à Wroclaw. Je m’en souviens comme si c’était hier. C’était face à une Allemande. Je me suis luxé l’épaule et elle s’est cassé une côte. Mais j’ai gagné ! En revanche, j’ai dû déclarer forfait pour la finale."
Le début d’un long périple menant Nica à l’intervention chirurgicale en août 2015 et à huit mois de revalidation.
"À l’époque, je voulais encore revenir, mais j’avais perdu le plaisir de m’entraîner. J’ai beaucoup réfléchi. J’ai même demandé à Toma, devenu entre-temps mon petit-ami : ‘Si j’arrête, est-ce que tu m’aimeras toujours ?’ Ce à quoi il m’a répondu avec son sourire habituel : ‘Tu crois que je t’aime parce que tu es judoka ?’ Rassurée, j’ai donc stoppé ma carrière sportive, mais pas le judo."
Depuis son plus jeune âge, Nica est une fille hyperactive. Elle a toujours travaillé, à la boulangerie ou dans un bar, pour payer ses études, sa voiture, son appart. Alors, quand en août 2016, au terme de ses études en Langues et Littérature à la VUB, elle arrêta le judo de haut niveau, elle commença à donner cours au Crossing, tout en bossant à l’aéroport pour Brussels et United Airlines.
"J’ai un mi-temps. Je commence très tôt, à 5h30, jusque midi, ce qui me laisse l’après-midi et la soirée pour donner cours de judo. J’ai été engagée par la Fédération pour m’occuper des U15 . Et, récemment, j’ai fondé ma société avec deux copines. Nous organisons des fêtes à thèmes pour enfants."
Sans compter qu’elle pratique encore le judo quand le club de Mons l’appelle en renfort pour disputer les Interclubs nationaux, ce qui débouche parfois sur des scènes assez cocasses lorsque Toma combat pour Schaerbeek contre… Mons, encouragé par… Nica.
"Je gagne et je perds avec lui !"
Judoka elle-même, Nica vit les combats de son Toma très intensément
Nica l’avoue : elle n’accompagne pas souvent Toma en compétition. Judoka elle-même, elle vit ses combats très intensément.
"Je gagne et je perds avec lui ! Je souffre avec lui ! Quand je suis sur place, je ne sais pas où me mettre. Je préfère donc le suivre à distance, sur Internet. Mais quand c’est en Belgique ou, comme l’an dernier, à Paris, j’y vais bien sûr. Toma, lui, apprécie ma présence, même discrète tout en haut des tribunes, parce qu’il sait que je suis là pour lui, que je saurai quoi lui dire, quelle que soit l’issue de la journée. À la maison, nous ne parlons pas beaucoup de judo. Nous sommes tous deux très occupés avec la vie professionnelle ou la carrière sportive. Je n’interviens que quand je sens que je peux lui être utile. L’an dernier, par exemple. Après un excellent début de saison, à Visé et à Düsseldorf, Toma a connu un creux. Je l’ai senti très préoccupé par son judo, qu’il cherchait. Personnellement, je trouvais qu’il avait perdu ce grain de folie. Je comprends qu’il ne devait pas attaquer n’importe comment, mais j’avais l’impression qu’il ne s’amusait plus sur le tatami."
Avec des rendez-vous sans médaille à l’Euro et au Mondial, Toma n’était pas heureux.
"Ce n’est pas un secret : il déteste perdre ! Et, pour moi, quand il perd, c’est pire que si c’était moi… Après Budapest, il s’est remis en question, a cherché des solutions. Et le déclic est venu. En le conduisant à l’aéroport, très tôt le matin, pour Abou Dhabi, je lui ai lancé : ‘Sois toi-même ! Fous le b…’ Et il est rentré avec la médaille d’argent."
Qui aurait dû être d’or si l’arbitrage vidéo n’était malheureusement venu au secours de son adversaire russe.
"Oui ! Mais il était relancé. Il y eut, alors, le Mondial toutes catés à Marrakech et cette finale face à Teddy Riner. Puis, encore le Grand Chelem à Tokyo, dont il est rentré heureux comme un enfant avec le bronze."